Les échecs ou l’art de la nuance.
- RivaldoML11

- 30 mai
- 8 min de lecture
[An English translation of this article is availableon this page, please scroll down]
Octobre 2020. Une série sur les échecs, le Jeu de la Dame, est diffusée sur la plateforme Netflix et gagne le cœur d’un monde tournant au ralenti, n’attendant qu’une opportunité de se passionner. Le jeu sempiternel est remis au goût du jour, les échecs ne sont plus has been, bien au contraire. Suivent intérêt décuplé pour joueurs de haut niveau partageant leur contenu sur la plateforme YouTube, streamers gagnant en popularité en partageant leur amour pour l’exercice, personnalités publiques disputant des parties dans un parc-coucou Victor Wembanyama-, scandale de triche, interview légendaires et bien plus encore. L’intérêt n’a cessé de croître, par vagues successives, et en Février 2025, la plateforme Chess.com annonçait compter pas moins de 200,000,000 membres. Des millions oui. « Vous voyez ce que ça fait déjà un million Larmina ? » . On pourrait discuter de longues minutes ou des paragraphes durant du futur des échecs au niveau professionnel car l’enjeu est de taille, des problèmes de triche potentielle, des débats et jalousie entre streamers et joueurs, ou encore de la féminisation souhaitable de la discipline mais là n’est pas le sujet de cet article. Il s’agit ici de prendre un moment pour se demander comment la magie des échecs opère et en quoi l’univers fantastique des 64 cases nous transforme et nous charme. Immersion.

Aux premiers abords, il paraît peut-être complexe, répétitif et sérieux, ce jeu aux airs rigides, ce terrain monotone sur lequel s’entrechoquent les mêmes pièces, inlassablement, dans une bataille qui n’aura pour lendemain que d’autres batailles, identiques en apparence. Mais c’est là où est la clé. Les apparences sont souvent trompeuses. Les règles sont en réalité surprenamment simples, et le jeu est d’une richesse, d’une abondance infinie, ce qui le rend très ludique.
Tout d’abord, même si les premiers coups de l’ouverture sont souvent les mêmes et qu’on se repose sur les épaules des géants du passé et de leurs diverses et parfois très créatives idées, chaque partie offre tant de possibilités qu’on ne rejoue jamais exactement la même. Ouverture d’un champ des possibles infini, d’un canvas pour s’exprimer, ou plutôt nous exprimer.
Ensuite, les échecs sont peut-être le seul sport où une seule erreur, de jugement ou de calcul, peut vous faire passer de « complètement gagnant » à « totalement perdu » en un coup clé manqué, une gaffe, ou une séquence brillante. Imaginez mener une partie de football 3-0, et soudainement le prochain but de l’équipe adverse en vaut 4. De quoi vous rendre fou, dans la victoire, ou la défaite. C’est, -à l’humble avis de l’auteur- le cas pour tout le monde. Que celui qui n’en a jamais balancé son téléphone de dépit après avoir gaffé un mat en 1 sur chess.com jette la première pierre. Que celui qui n’a jamais dansé de joie et célébré comme s’il venait de gagner un match de Champion’s League après une remontada échiquéenne et herculéenne depuis sa chambre puisse vivre un jour ce moment.
Ces retournements de situation sont d’autant plus fréquents à niveau amateur où les imprécisions sont légion, mais la victoire se joue à un fil du rasoir chez les professionnels aussi. Eux ne vont pas perdre leur reine en un coup. Mais la compréhension des dynamiques, les subtilités des positions, la coordination des pièces se joue à des détails au plus haut niveau. Des nuances. Et c’est peut-être pour cela que les échecs sont superbes. Pour ses nuances, dans un monde qui en manque cruellement.
Car les échecs, sémantiquement en français, c’est le récit des défaites, des chutes et des erreurs. Perdre c’est apprendre. Se perdre c’est chercher.
Les échecs, c’est apprendre : la théorie, les schémas, les ouvertures, les finales.
C’est chercher : les idées, les bons coups, les ressources. Et calculer. Calculer les variations, pas comme Dr Strange cherchant toutes les possibilités possibles et imaginables, -même Stockfish, superordinateur à des années lumières supérieur du meilleur humain de la planète ne fait pas ça. Non, calculer, c’est sélectionner différentes voies, et se projeter sur l’avenir, méticuleusement, évaluer où le chemin peut nous mener, si la destination est souhaitable. Lorsqu’on calcule, on tente de voir les voies sans issues, celles qui mènent à la perte, et de choisir un autre chemin. Et si on calcule bien, on perçoit la différence dans l’ordre des choses, la route sur laquelle il manque une dalle, un pavé, une pierre, un pont.
Alors on réfléchit, on apprend du passé, on anticipe les problèmes à venir et on construit. On inclut une modification pour mener à bien notre idée. On fait un choix. Oui, les échecs, plus qu’un duel, qu’une guerre à couteaux tirés, sont une discussion de différence et subtilités. Car les pièces, bien que cantonnées aux mêmes mouvements, ont un pouvoir, une puissance différente suivant le contexte, la position, et l’avancée de la partie. Aux échecs, les pièces et les cases sont peut-être noires et blanches, mais rien n’est jamais tout noir ni tout blanc. C’est une affaire de concessions, d’évaluation, de changement et transformation. Géométrie et espace-temps. Ou plutôt géométrie de l’espace-temps. Comprendre les idées, la communication, la volonté de l’adversaire, ou plutôt de l’interlocuteur et agir en conséquence. Gérer le sablier. Identifier les moments clés. Ecrire une histoire sur l’échiquier
A vous de jouer.
Si vous préférez vous poser en spectateur pour admirer la beauté de la danse des pièces sur l’échiquier avant de vous jeter dans le grand bain, des créateurs comme GothamChess , Blitzstream ou encore Daniel Naroditsky et bien d’autres proposent de superbes vidéos, aussi instructives que divertissantes que l’auteur ne saurait vous recommander assez.
Le monde professionnel des échecs regorge de récits fascinants et de personnages aussi attachants qu’agaçants, parfois brillants, souvent un peu tout à la fois : de Magnus Carlsen, meilleur joueur de l’histoire, à Hikaru Nakamura, en passant par Gukesh, Alireza Firouzja, Anish Giri ou Fabiano Caruana. Avec le scandale de la triche, les échecs ont même leur super-vilain en la personne de Hans Niemann. Mais c’est à vous de découvrir ce drôle d’univers
Merci pour votre attention… et à bientôt sur le site !
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Chess, or the Art of Nuance
[English version of the artcile]
October 2020.
A series about chess, The Queen’s Gambit, is released on Netflix and captures the hearts of a world in stall mode, desperately waiting for something to happen so it can become passionate about. The timeless game is brought back into the spotlight—chess is no longer “has-been,” quite the opposite.
What follows is a surge of interest: high-level players sharing content on YouTube, streamers gaining popularity by showcasing their love for the game, public figures playing matches in parks—hello, Victor Wembanyama—cheating scandals, legendary interviews, and much more. Interest has only continued to grow, in successive waves, and in February 2025, the platform Chess.com announced no fewer than 200,000,000 members. Millions!
“You see what just one million looks like, Larmina?”
We could spend hours—or at least entire paragraphs—discussing the future of professional chess, the stakes involved, issues like potential cheating, debates and jealousy between streamers and players, or how to finally achieve increasing presence of women in the discipline. But that’s not the point of this article.
Here, the aim is to take a moment to wonder how the magic of chess works—how the fantastic world of 64 squares transforms and enchants us. Immersion.

At first glance, chess may seem complex, repetitive, and serious—this stiff-looking game, this monotonous field where the same pieces clash again and again in neverending battles that will only be followed by others, identical in appearance.
But that’s the key: appearances are often deceiving.
The rules are surprisingly simple, and the game is endlessly rich and abundant, which makes it incredibly fun.
First, even if the first opening moves are often the same, and we stand on the shoulders of giants from the past and their various, sometimes wildly creative ideas, every game offers so many possibilities that no two games are ever exactly alike.
It’s a window into a world of infinite possibilities—a canvas for self-expression. Or rather, for our expression.
Then, chess may be the only sport where a single mistake, in judgment or calculation, can flip a position from “totally winning” to “completely lost” with one missed key move, a blunder, or a stroke of brilliance.
Imagine leading a football match 3–0, and suddenly the next goal from the opposing team is worth 4. Enough to drive you crazy—in victory or defeat.That’s something everyone experiences—in the humble opinion of the author.
Let the person who’s never thrown their phone on the ground of the frustration of blundering a checkmate-in-one on Chess.com cast the first stone. Let the one who has never danced with joy and celebrated like they just won the Champions League after a Herculean chess comeback from their bedroom one day know what that moment feels like.
These crazy turnarounds are even more common at the amateur level, where inaccuracies abound. But even at the professional level, victory hangs on a razor-thin edge. They won’t lose their queen in a single move—but the understanding of dynamics, positional subtleties, piece coordination—that happens in the tiniest of margins. A question, or more accurately an art of nuance.
And perhaps that is why chess is beautiful: for its nuance, and for that it exists in a world much in need of it.
Because in French, chess (“les échecs”), means “failures, or “setbacks” in the literal sense. To fail is to lose, to lose is to learn. To get lost is to search.
Chess is about learning: theory, patterns, openings, endgames. It’s about searching: for ideas, good moves, resources. And calculating. Calculating variations—not like Doctor Strange processing all possible outcomes (even Stockfish, the supercomputer light-years ahead of the best human, doesn’t do that).
No, calculating means selecting different paths and projecting into the future—carefully evaluating where each path could lead and whether the destination is desirable. When we calculate, we try to see the dead ends, the paths to demise—and choose another route.
And if we calculate well, we spot the differences in the order of things—the road missing a slab, a stone, a bridge.
So we reflect, we learn from the past, anticipate upcoming problems, and we build. We add a twist to make our idea work. We make a choice.
Yes, chess, more than a duel or knife-edged war, is a dialogue—of differences and subtleties.Because pieces, though restricted to the same movements, hold different power, different value, depending on the context, the position, and the phase of the game.
In chess, the pieces and squares may be black and white—but nothing is ever truly black or white. It’s a matter of trade-offs, concessions, compromise, evaluation, change, and transformation. Geometry and space-time. Or rather, space-time geometry.
Understanding ideas, silent communication, guessing the intentions of the opponent—or rather, of your interlocutor—and acting accordingly. Managing the hourglass. Spotting key moments. Writing a story on the chessboard. It's pretty cool right?
But I am sorry. It's your move.
If you prefer to sit back and enjoy the beauty of the dance of pieces before diving in yourself, creators like GothamChess, Blitzstream, Daniel Naroditsky, and many others offer excellent videos—just as educational as they are entertaining—that the author cannot recommend enough.
The professional chess world is filled with fascinating stories and characters—sometimes endearing, sometimes slightly annoying, often both, always entertaining. From Magnus Carlsen, the greatest player of all time, to Hikaru Nakamura, Gukesh, Alireza Firouzja, Anish Giri, or Fabiano Caruana.
With the cheating scandal, chess even has its very own supervillain: Hans Niemann.
But it’s up to you to explore this strange and wonderful world.
Thanks for reading... and see you soon on the site!




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