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Souvenez-vous!

  • Photo du rédacteur: RivaldoML11
    RivaldoML11
  • 5 mai 2020
  • 6 min de lecture

Le ballon au pied, l'enfant rentre sur le terrain. Et il pousse la balle, pour la première fois. Un peu trop loin. L'enfant est un peu gauche. Peu importe. A nouveau, il retouche la balle, commence à courir avec, un peu plus rapidement, un peu plus assuré. Et puis il s'élance, il sprinte. De plus en plus vite. Il se sent libre, intouchable. Maillot floqué du nom de son footballeur préféré, il touche à nouveau le ballon. Accélère encore. Son identité d'enfant s'estompe, s'oublie, s'efface. Il sait. Il devient joueur. Il est fort, il est libre. Intérieur, extérieur, coup de pied, il dribble. Rien ne peut l'arrêter.

Les bruits dans les gradins s'intensifient, la clameur des encouragements retentit, vacarme assourdissant. Lui n'entend plus que le souffle du vent dans ses oreilles.

Le vent... et le commentateur qui s'écrie : "Attention le jeune joueur qui apporte le danger sur le côté... qui sollicite un une deux, élimine son adversaire...Oh extraordinaire ce qu'il nous fait, et ce n'est pas terminé...il entre dans la surface de réparation, attention la fraaaappe... et le buuuuuut! Incroyable, mais quel but!". Le ballon revient dans les pieds de l'enfant, après être entré dans les cages de fortune du terrain vague.

Il hoche la tête et sourit.



Changement d'atmosphère. L'enfant marche à présent sur une surface solide. Il entend les balles résonner sur le sol. Il se place au fond du court. Premiers échanges. La raquette paraît trop grande pour lui, trop lourde, presque encombrante.

Un peu maladroit, en difficulté pour la manier, la première balle finit dans le filet.

La deuxième balle, quant à elle, est bien trop longue, et s'envole loin du court.

Mais peu à peu, les gestes de l'enfant sont de plus en plus précis.

Un premier coup fait mouche.

Il prend confiance. La petite balle jaune revient, s'échange de plus en plus souvent. La raquette semble soudain moins lourde, comme prolongeant naturellement son bras. L'enfant, mobile, court d'un bout à l'autre du terrain, remet la balle, remporte même les échanges.

Coup droit, revers, service, lob, amorti, volée, il apprend. Il tente, il rate. Essaie encore. Rate à nouveau. Essaie encore, et encore. Et puis il réussit.

Tonnerre d'applaudissements. Le match commence. Finalement, l'enfant maîtrise. Il lève le bras, lance la balle. Le stade se tait, retient son souffle.

A présent, l'enfant dirige le ballet de ce tracé jaune flou qui bondit, rebondit, ricoche sur les raquettes. Les coups flirtent avec les lignes. Le score défile, les échanges sont disputés, ponctués par des salves d'acclamations. Nul ne veut céder.

L'enfant trouve la grâce de Federer, se bat comme Nadal, sent le jeu comme Djokovic.

Son adversaire est son partenaire. L'enfant s'escrime, pique, trouve des angles, ramène les attaques de son vis-à-vis. Il enchaîne coup droit, revers. Il sert, amortit, lobe. Il effectue smash, volées. Et après un long moment, le dernier point est joué. L'enfant serre la main de son vis-à-vis. Victoire ou défaite, toujours heureux. Et à nouveau, il sourit.



L'enfant roule maintenant sur le bitume, juché sur son vélo. Il a un peu peur. Premiers tours de manivelle. Maintenu par l'inertie, en équilibre incertain, il appuie plus fort sur les pédales, sent le vent sur ses joues, l'entend siffler dans ses oreilles. Peu à peu, la peur disparaît ou plutôt se transforme.

Il ne craint plus la chute, oublie les dangers, recherche l'ivresse de la vitesse.

Posé sur sa machine, il se sent libre comme le vent.

Les paysages défilent, se succèdent. Il plonge dans la descente, négocie un premier virage, puis un second. Se penche en avant. Le déplacement d'air génère un souffle froid, cinglant ses bras, son visage. Rien n'y fait. Il veut aller vite, encore plus vite. Tourne les jambes comme un dératé. La descente se termine,et l'enfant trace son chemin, étoile filante sur la route.

Maillot jaune ou blanc sur le dos, il doit défendre son classement. Alors il roule, il roule, et il roule, de plus en plus fort. Il emmène son braquet, inéluctablement.

L'inertie lui permet de maintenir l'équilibre, d'assurer la perpétuité du cycle de ses tours de jambes qui s'enchaînent. Les mains en bas, il recherche l'aérodynamisme.

Chaque seconde compte. Il continue de rouler, puis lève la tête, et aperçoit la pente qui s'élève.

Le jaune vire au blanc, le blanc se teinte de pois.

L'enfant jette un coup d’œil derrière lui, jauge le groupe qui l'accompagne du regard. Attend le moment propice. A l'affût de l'opportunité, du moment de flottement.

Et tout à coup, il débloque, change les rapports, se déporte sur la gauche de la route.

En danseuse, il balance son vélo de gauche à droite, de droite à gauche. Et accélère. Fend la foule, sépare la marée humaine sur son passage.

Derrière le groupe s'étire, s'effile, et puis se casse. Ses jambes le brûlent, alors l'enfant appuie fort, très fort, pour oublier la douleur. Le groupe explose. Les coureurs s'éparpillent, partout sur la route.

A l'avant, l'enfant n'est pas seul, mais ils ne sont plus très nombreux.

Le rythme cardiaque monte, le soleil marque sa peau. Il a soif, comme tous d'ailleurs. L'ascension se termine sur un rythme élevé. Les coureurs s'hydratent, s'observent.

L'arrivée se situe sur un replat, à 1 kilomètre de distance. Alors l'enfant se replace, les pois rouges s'étalent, virent au vert. 400 mètres de la ligne. La tension monte. 300 mètres. Chacun ajuste sa vitesse, son braquet. Le temps s'arrête.

L'atmosphère est irrespirable, le suspens à son comble. 200 mètres. L'emballage final. Tous se dressent sur les pédales, les écrasent comme si leurs vies en dépendait.

De front, côte-à-côte, le regard fixe dans leur couloir, les cyclistes se concentrent sur l'objectif : arriver le premier.

L'environnement semble irréel, incertain, comme dans un rêve.

Les autres ne sont plus que des tâches de couleurs floues. 100 mètres.

L'enfant aperçoit les roues de ses vis-à-vis. Ces roues qui tournent vite, si vite.

50,25,10 mètres. Dernières longueurs, ultime effort.

L'enfant projette son vélo en avant. Lève les bras aux ciels en signe de victoire.

Il a gagné... A moins que ce ne soit l'un de ses compagnons de route, qui serre le poing, sûr de lui. L'essentiel n'est pas là. Pas de photo finish pour trancher, mais photo souvenir de la sortie pour se remémorer.

Le peloton fantôme qui les poursuivait arrive seulement. L'enfant regarde le spectacle, amusé, et pour la troisième fois, il sourit.




Transition temporelle. L'enfant a un peu grandi. Il regarde ses mains, protégées par des gants. Il observe le sac de frappe, en face de lui. Donne un premier coup, sans trop de conviction. Le sac ne bouge quasiment pas, bien trop lourd. L'enfant donne ensuite un autre coup. Sans effet. Puis un autre, et un autre. Sans effet. Il se met à prendre de petits appuis, à sautiller sur place. Et il enchaîne les coups. Tac-tac-tac. Tac-tac-tac-tac. Sans effet. Une fois. Deux fois. Sans effet. Trois fois. L'enfant trouve son rythme. Les coups pleuvent sur le punching-ball, qui se met à osciller.

Pas de côté, jab,jab,crochet, uppercut. L'attitude change. La garde se lève, la tête s'incline, le regard devient perçant, déterminé. L'enfant cède la place au combattant. Le combattant pivote, esquive, frappe. Vole, pique. Se dérobe, se rapproche, tape à nouveau. Toute sa frustration, ses colères, ses doutes, ses peurs s'évaporent en énergie, en gouttes de sueur, en coups vifs, précis, puissants, adroits.

Le temps s'écoule de plus en plus lentement. Nouvel enchaînement. Le sol se nuance de bleu. Des cordes entourent le combattant dans son arène. Le sac de frappe commence à se mouvoir,à effectuer des mouvements de corps, finit même par riposter. Le combattant prend un coup, et un autre. Surpris dans un premier temps, vexé presque. Alors il frappe plus fort, plus vite. Son adversaire ne se laisse pas faire, et le touche à nouveau. Pas grave, tant mieux même. Plus déterminé, plus motivé, le combattant continue de frapper.

Ses bras le brûlent, semblent si lourd. Le souffle court, les battements de son cœur qui résonnent en écho dans ses oreilles, il court, il saute, il danse, il frappe, il tape. Il boxe.

Chaque seconde paraît durer une minute, chaque minute s'étire en heure.

Et le combattant continue de frapper encore, encore et encore. Inlassablement, frappe, frappe, frappe, déplacement, esquive, frappe.

Enfin la cloche retentit. Fin du round. Le combattant retourne dans son corner, l'enfant délaisse le sac de frappe qui se balance seul, et boit une gorgée d'eau.

Sourire aux lèvres, l'enfant s'allonge et ferme les yeux.



Les années ont passées, l'enfant est grand, certains diront même adulte.

Surtout le grand enfant, l'adulte, a de nouveaux soucis, d'autres priorités.

Il est un peu ébloui par la lumière des projecteurs de la vie.

Il n'imagine plus autant, plus aussi souvent. Il rationalise, il complexifie, il se raccroche à la réalité.

Il évite de se projeter, peut-être parce qu'il ne sait plus vraiment comment faire.

Mais parfois, la lumière des projecteurs se fait moins pressante, moins intense.

A l'occasion, elle s'éteint même. Alors l'adulte se souvient de l'enfant.

Son identité s'estompe. Il oublie qui il est pour devenir ce qu'il fait, ce à quoi il joue.

Il pousse le ballon rond, tape la petite balle jaune, enfourche son vélo, frappe le punching-ball, et change en conséquence le décor. Et puis, avec bonheur, il sourit.


L'enfant, c'est eux, c'est vous,c'est lui, elle, toi, ou moi. L'enfant c'est nous tous.

Il pratique peut-être le football en club, ou le tennis d'ailleurs. Peut-être boxe-t-il ? Peut-être s'échappe-t-il à vélo, lors de grandes escapades dans les routes de sa région? Peut-être qu'il pratique un autre sport? Peut-être même aucun. A vous de décider.

En revanche, l'enfant a un message qu'il aimerait faire passer.

Il tient en deux mots. "Souvenez-vous!"

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Football, Cyclisme sur route, Tennis, Boxe...Réflexions et articles sur ces sports qui me font vibrer.

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